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Les comptes courants sont de plus en plus garnis

Les comptes courants sont de plus en plus garnis

Pourquoi de plus en plus d’argent végète sur les comptes courants par cBanque

Un Livret A dans le rouge, une assurance-vie dans le vert et un Plan épargne logement au sommet : le bilan 2015 des produits d’épargne a été dressé maintes fois ces derniers mois. Mais un élément, plus discret, est rarement pris en compte : jamais, dans un passé récent, les Français n’ont conservé autant d’argent sur leurs comptes courants qu’en 2015 ! Pourquoi ne daignent-ils plus placer leur argent ? Eléments de réponse.
Quel produit bancaire a quasiment multiplié par deux sa collecte nette de 2014 à 2015 ? L’assurance-vie ? Le PEL ? Non : le compte courant ! S’il n’existe pas de statistique précise sur les évolutions des comptes bancaires des particuliers, la Banque de France s’intéresse aux dépôts à vue dans son baromètre trimestriel de l’épargne des ménages (1). Or l’essentiel des dépôts à vue comptabilisés par l’institution financière sont « des comptes courants ou assimilés », comme le confirme l’économiste Philippe Crevel (2). En 2015, les dépôts à vue affichent un flux positif de 33,8 milliards d’euros alors que le flux des deux années précédentes, déjà élevé, n’était « que » de 17 et 18 milliards d’euros, contre une décollecte de près de 5 milliards en 2012. Même l’année 2009 (+19 milliards d’euros), pourtant très favorable aux comptes courants, est surclassée. Bref : en 2015, on peut parler d’année « record ».

Un poids lourd dans les résultats des banques
Cet afflux massif sur les comptes bancaires ou, vu autrement, ces liquidités qui dorment sur les comptes courants, les banques le constatent elles aussi dans leurs résultats annuels. BNP Paribas, la Caisse d’Epargne, Banque Populaire, la Société Générale ou le groupe Crédit Agricole ont tous communiqué une croissance de 13% à 15% des dépôts à vue en 2015 par rapport à 2014. Ces banques évoquent une « forte croissance » de ces dépôts à vue, qui « portent » la croissance 2015 de l’ensemble des dépôts, avec l’épargne logement. Car, pour les banques, le fait que leurs clients garnissent leurs comptes courants en oubliant d’épargner n’est pas forcément un problème. Certes, elles cherchent à promouvoir leurs produits d’épargne, mais l’encours des comptes courants constituant une ressource statistiquement stable, elles peuvent utiliser ces dépôts pour financer des crédits.

Au Crédit Mutuel (groupe CM11), les comptes courants représentent ainsi 37% des encours de dépôts bancaires à la fin 2015 : « La hausse [des dépôts bancaires, de 7,9% en 2015,] est particulièrement importante pour les comptes courants (+14 milliards d’euros soit près de +18%) » précise le groupe des Crédits Mutuels de l’Est. A la Banque Postale, les encours des dépôts à vue progressent de 6%, pour atteindre 48,9 milliards d’euros, quand ceux du Livret A perdent 4% en un an. Pourquoi ? « Le contexte d’inflation quasi-nulle et de taux d’intérêt très faibles est favorable à la croissance des dépôts à vue », explique la filiale de la Poste.

Des Français « prudents » depuis la crise financière
Si l’année 2015 apparaît exceptionnelle, le directeur du Cercle de l’épargne, Philippe Crevel, y voit surtout la confirmation d’une tendance forte depuis 7 ans et le début de la crise financière : « Dans un premier temps, la crise a provoqué un sentiment de doute envers les produits financiers. Par prudence, les Français ont conservé plus de cash qu’à l’accoutumée, afin de disposer de ressources disponibles en cas de problème. » Par la suite, le durcissement de la fiscalité de l’épargne, en 2013, a fragilisé certains placements, et là encore découragé les Français à placer leur argent, estime cet économiste. Enfin, l’érosion régulière des rendements des placements financiers ces 5 dernières années a renforcé ce désintérêt.

« Manque d’intérêt » pour des livrets peu rémunérés
Les arguments de la prudence et de la fiscalité n’expliquent toutefois pas pourquoi, en 2015, les Français ont doté abondamment leur compte courant tout en boudant le Livret A, produit défiscalisé et aux liquidités disponibles à tout moment. La décollecte de 9 milliards d’euros en 2015 sur le Livret A a-t-elle un lien avec la collecte nette de plus de 30 milliards sur les comptes courants ? Si Philippe Crevel reconnaît qu’il s’avère toujours délicat de d’analyser les mouvements d’un produit financier à un autre, il n’hésite pas à dresser un parallèle entre livrets d’épargne et comptes courants.

Certes, « le Livret A reste compétitif en valeur réelle » puisque l’inflation ne s’éloigne pas de zéro, mais l’économiste estime que « cet argument ne porte pas auprès du grand public » ! Ainsi, le Livret A, produit d’épargne populaire par excellence en France, fait les frais d’un « manque d’intérêt », la faute à un taux, actuellement à 0,75%, qui ne séduit plus. Interrogé en mai dernier sur le même sujet, Cyril Blesson, de Pair conseil, voyait la progression des dépôts à vue en 2014-2015 comme « un phénomène de baisse de l’opportunité de placement ». Philippe Crevel partage donc cette analyse, en estimant que si la défiance envers les produits financiers prévalait en 2009-2010, la collecte record des comptes courants en 2015 est en premier lieu une conséquence de « l’effet taux ».

Plus « d’attentisme » que par le passé
« Plutôt que de se constituer une épargne de précaution, sur un livret, les Français sont dans une logique d’attentisme », développe le directeur du Cercle de l’épargne. « Ils conservent de plus grosses sommes sur leur comptes courants avant d’arbitrer sur des placements à moyen-long terme potentiellement plus rémunérateurs, comme le PEL ou l’assurance-vie. » Philippe Crevel estime toutefois que ce phénomène a atteint son paroxysme en 2015 : « Le gros de la décollecte est passé sur le Livret A », juge-t-il, pronostiquant dès à présent une moindre progression des dépôts à vue en 2016. Avant, toutefois, de nuancer son propos en rappelant les incertitudes grandissantes sur les marchés financiers. La prudence pourrait à nouveau être de mise en 2016, comme lors des premières années post-crise financière.

(1) Sont intégrés dans les « ménages », par la Banque de France : les « particuliers et entrepreneurs individuels » ainsi que les « institutions sans but lucratif au service des ménages ». L’institution a lancé cette publication en 2009.

(2) Dans les dépôts à vue comptabilisés par la Banque de France peuvent aussi être catégorisés certains dépôts à très court terme, mais pas les livrets d’épargne que l’institution classe à part.

source cBanque 

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